Un article de Robert Hugonnard : La famille de Bouillane et de Richaud… Pour en finir avec Louis XI (La Gazette de l’Ours, novembre 1994)


De Bouillane - P.L.E Création
De Bouillane – P.L.E Création

Par Robert Hugonnard (La Gazette de l’Ours, novembre 1994) : L’histoire de nos deux familles est assez édifiante pour avoir donné naissance à une légende. Nous sommes ainsi rentrés de plain-pied dans la mémoire du Dauphiné.

Les deux bûcherons, héros d’une chanson de geste, émergent de l’anonymat qui débute au deuxième millénaire, porteurs d’un merveilleux qui suivra son chemin siècle après siècle.

Cette légende, chacun peut se l’approprier car il ne faut priver personne de rêve: elle ne nous appartient pas. Que ne dit-on: Ils ont sauvé Louis XI, non ! Humbert II ! Non ! Un autre dauphin ; ils étaient bûcherons, non ! charbonniers. C’était à Ambel, non ! ailleurs. Ils étaient deux ! non ! trois…

C’est agaçant, certes, mais gratifiant car quelles sont les familles du Dauphiné dont on parle autant que les nôtres !

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Laissons donc la légende se parer de plumes multicolores, s’affubler d’oripeaux clinquants, s’embraser de tous les désirs refoulés, s’enflammer comme un toro de fuego.

Par contre, soyons intransigeants, droits et raides dans nos armures médiévales. Affirmons haut et clair : “non, nous n’avons pas été anoblis par Louis XI. Nous étions nobles depuis plus de deux siècles lorsqu’il vint en Dauphiné”. Nous allons le prouver.

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Louis XI ? Faisons plus ample connaissance

Catalogue des actes du Dauphin Louis II devenu le roi de France, Louis XI, actes relatifs à l’administration du DauphinéNé à Bourges en 1423 (c’est la guerre de Cent Ans), le dauphin Louis II accompagne son père Charles VII (que Jeanne d’Arc fit sacrer à Reims) dans un voyage qu’il entreprit dans le Dauphiné et le Languedoc en 1437.

En 1440, le roi pour “donner un aliment à la soif de pouvoir et à l’activité qui dévorait son fils, lui abandonna l’administration effective du Dauphiné”. Tout en s’occupant activement de la province qui venait de lui être confiée, le dauphin n’y vint point cependant résider tout de suite.

Ce ne fut qu’en 1446, après avoir vécu de plus en plus à l’écart et s’être entouré de tous les mécontents du royaume, que violemment irrité contre son père – qu’il ne devait plus revoir – il prit la résolution d’abandonner la Cour et de se retirer en Dauphiné.

Voici un de ses premiers actes officiels, sinon le premier (janvier 1446) : ordonnance par laquelle le Dauphin Louis enjoint à tous ses barons, nobles ou autres du Dauphiné et des comtés de Valentinois et de Diois qui tenaient un fief ou un arrière-fief de lui, d’avoir à lui en prêter hommage, dans le délai d’un mois à partir de la publication de la présente ordonnance, sous peine de confiscation desdits fiefs et arrière-fiefs. Mention insérée dans diverses procurations passées par les détenteurs de fiefs, pour prêter hommage au Dauphin (B 2651).

Pendant son séjour en Dauphiné, Louis II promulgua de nombreux actes qui ont été réunis dans le Catalogue des actes du Dauphin Louis II devenu le roi de France, Louis XI, actes relatifs à l’administration du Dauphiné, recueillis, annotés et publiés en 1899 par M. Pilat de Thorey. 2,259 actes dont les deux qui concernent les hommages rendus par nos ancêtres.

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Derechef, et c’est la preuve de leur noblesse antérieure, les de Bouillane et de Richaud rendent hommage à Louis II.

  • Les Richaud le 13 février 1446 – Lettres du Dauphin Louis constatant les hommages que lui avaient rendus les nobles ci-après désignés : Jarenton et Bontoux Richaud tant en leurs noms personnels qu’en celui de Claude Richaud, leur frère, pour ce qu’ils possédaient dans la Vallée de Quint. Mentions-Inventaire des titres de la chambre des comtes valentinois T. II et IV.
  • Les de Bouillane le 23 février 1446 – Lettres constituant l’hommage prêté par Berton de Bouillane et Pierre de Bouillane son neveu, tant en leur nom qu’en celui d’Antoine et de Guillaume de Bouillane, frères dudit Pierre, pour ce qu’ils possédaient dans la vallée de Quint.
  • Mais aucun acte concernant l’attribution d’un reinage à Saint-Laurent-en Royans. Aucune mention dans les itinéraires reconstitués du Dauphin d’un passage à Beauvoir en Royans. Aucune mention d’un sauvetage mais une récompense attribuée à un manant d’Arzay (près de la Côte-St-André) “qui s’était jeté dans un étang pour se saisir d’un cerf que Louis II avait levé à la chasse”. D’autres récompenses encore pour de bons notables et agréables et services. Mais rien pour les de Bouillane et de Richaud dont les actes ne comportent aucune annotation.

La cause est entendue : “nous n’avons pas été anoblis par Louis XI. Nous étions nobles depuis plus de deux siècles. Nous ne l’avons pas tiré des griffes d’un ours régicide!”

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En 1456, Charles VII formula à l’encontre de son fils de nombreux griefs. On peut citer : “l’aliénation qu’il avait faite des terres du domaine royal au profit de ses nombreux visiteurs ; l’accueil bienveillant à tous les mécontents du royaume ; le mariage contracté contre la volonté paternelle ; les guerres dans lesquelles il s’était lancé étourdiment ; les traités qu’il ne cessait de négocier avec des princes étrangers”

Charles VII lui intima l’ordre de se rendre auprès de lui. Louis II fit la sourde oreille et préféra se retirer, en 1456, chez son oncle Philippe, duc de Bourgogne qui le pensionna richement et l’installa en Brabant, dans le château de Gennape, où il résida jusqu’en août 1461, date de son avènement au trône de France, sous le nom de Louis XI.

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Les Dauphinois garderont vivace la mémoire de ce jeune prince turbulent, indépendant, entouré d’une cour à son image, galopant sans trêve par monts et par vaux, courant le Guilledou, marquant l’autorité royale, punissant sévèrement mais pardonnant facilement, reconnaissant envers ceux, humbles ou nobles, qui lui ont rendu service.

Que la légende des de Richaud et de Bouillane l’accueille en son sein, rien d’étonnant tant il apparut comme un personnage hors du commun pour une population rurale qui avait peu l’occasion de s’émerveiller.

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En avons-nous vraiment fini avec Louis XI ? N’ayons pas l’outrecuidance, Messeigneurs, gentes dames et damoiseaux de Richaud et de Bouillane de le rejeter dans les oubliettes du temps. La lancinante légende demeure, se ramifie, se diversifie plus forte que la vérité… ou la vérité elle-même ! Restons humbles, déférents. Cherchons, creusons encore.

Une nouvelle piste s’ouvre dans les fourrés de l’histoire. Les hommages de nos ancêtres nous révèlent quatre de Bouillane et trois de Richaud : sont-ils les seuls descendants des bûcherons? Comment combler le grand vide jusqu’à l’apparition de l’État-Civil à la fin du XVIIe siècle, sinon en consultant les archives des notaires ?

Dauphin de Viennois, nous vous tirons notre révérence.

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« Bonjour M. Boulianne. Je peux vous souligner l'excellence de vos écrits sous une transparence indéniable. »

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Guy Boulianne, auteur, éditeur et journaliste indépendant, membre de la General News Service Network Association (GNS Press) et de l'International Association of Press Photographers (IAPP) Il est aussi membre de la Society of Professional Journalists (SPJ). Il est le fondateur et l'éditeur en chef des Éditions Dédicaces LLC : http://www.dedicaces.ca.

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Eric Bungener

Bonjour je descends de Jean-David de Bouillanne, fils d’Antoine et épouse de Françoise Jossaud. J’aimerais bien le relier avec les autres membres de la famille

BOULET

Bonjour
Descendant des De Richaud je suis en possession d’une traduction de l’ancien français qui date très précisément l’évènement: le 22 Octobre 1347, donne le nom du dauphin Humbert II, dernier dauphin de viennois, revenant de la croisade initiée par Benoit XII….
Précison donnée: sa future épouse, Marie de Beaux était morte sur une ile lors de cette croisade.

EYNARD Jean-Luc

Bonjour. Cet article attire mon attention. En effet, dans notre famille (Eynard, originaire de Génissieux dans la Drôme), cette légende nous a été transmise comme étant des descendants des Richaud. D’ailleurs, un vase “dit de Sèvre”?, reçu en récompense, est transmis de génération en génération. Ou est la vérité et la légende. Un cousin m’a d’ailleurs transmis une photo du monument ci-devant, dont j’ignorai l’existence. Bien amicalement.

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