Selon André Lacroix en 1878, une branche de la famille de Bouillanne (Bolian) possédait à Saint-Pierre-de-Paladru un château de son nom

Comme l’explique bien l’un des meilleurs experts des noms de famille, Louis Beaucarnot, jadis, il n’était pas rare que le nom change d’une génération à l’autre : « Le Barbier parti de Rouen pour s’installer à Provins s’appellera désormais Normand. Par ailleurs, avec le temps, beaucoup de noms ont des diminutifs: Arnaud donne Naudin ou Nodin; Robert, Roberteau, puis Bertot… ». La plupart des noms menacés sont en fait de simples variantes orthographiques d’un nom – Durang pour Durand – qui poursuit sa vie sous une autre forme. Sachant qu’il faut distinguer les noms monophylétiques des noms polyphylétiques. Le généalogiste ajoute : « Les noms monophylétiques sont des patronymes rares qui n’ont été attribués à l’origine qu’à une seule personne. On peut donc supposer que tous ceux qui, aujourd’hui, portent ce nom, sont des cousins plus ou moins éloignés. A la différence des noms polyphylétiques, qui correspondent à des patronymes courants pour avoir été donnés un peu partout. » [1]

Certains patronymes veulent dire la même chose à partir de patois différents, d’autres se déforment au fil des siècles. Ainsi, un Arnoux révolutionnaire peut devenir Renoue au XXe siècle, après s’être transformé en Renou, Renoux. « Les noms sont parfois déformés par les changements de région, la phonétique, les erreurs d’état civil », analyse Marie-Odile Mergnac, auteure du passionnant Atlas des noms de famille (Archives & Culture). [2]

Concernant le nom de la famille de Bouillanne, nous avons expliqué dans un long article son origine et sa transformation au fil du temps. [3] Cette famille descend du vicomte de Nîmes, Ursus (∼879). Or, la seigneurie de Bouillargues dépendait directement de la vicomté de Nîmes, et donc du prince Ursus. Comme le précise lui-même le grand Frédéric Mistral, l’ancienne dénomination de ce lieu était Bulianicus, Bolianicus, Bollanicae, Bollanicis, Bolhanicis, du nom d’un domaine appelé Bouillanus, situé près de Rome. [4] Compte tenu de ces conjectures, nous ne pouvons nier la possibilité que la famille de Bouillanne tire son origine de ce lieu. Les membres de la famille de Bouillanne auraient donc été tout naturellement les seigneurs de Bollanicis. Nous retrouvons en effet un dénommé Pierre Bernard Cantarella, seigneur de Bollanicis, de Marcellaco et de Villare, dans une charte datée de 1125, ainsi que Raymond Cantarella et son père Bernard Pons, seigneurs de Bollanicis dans une autre charte de 1138. [5]

Pour Frédéric Mistral, le nom de famille dauphinois, de Bouillanne, dérive aussi du provençal Bouiano, Boulhano et Bouiant (Lou Tresor dóu Felibrige, page 319).


Histoire d’une famille bourgeoise : Les Bolian

Dans un document distribué entre 1932 et 1935 et aujourd’hui introuvable, le Bulletin paroissial de l’Abbé Ernest Millon, nous retrouvons des informations rares concernant la famille Bolian.

On y lit que les Bolian furent l’une des principales familles bourgeoises de Paladru, dans l’Isère. Si nous en croyons André Lacroix, les Bolian ou Boulian, ou encore Bouillan, de Paladru, appartiendraient à la famille des de Bouillane dont ils seraient l’une des branches. Il écrit dans son ouvrage de 1878 : « Une branche des Bouillane possédait à Saint-Pierre-de-Paladru un château de son nom. Elle était représentée en 1789 par un maître des comptes, dont le père avait été capitaine au régiment de Saintonge. Elle a fini par des filles. » [6]

Les de Bouillane et de Richaud sont les descendants des deux bûcherons du Diois, dans la Drôme, qui sauvèrent un Dauphin des griffes d’un ours, furent, pour cet exploit, ennoblis, sinon enrichis. On leur donna ou ils choisirent des armes parlantes : leur écusson portait « d’azur une patte d’ours d’or mise en bande ». Or, nous retrouvons le blason de l’avocat Claude-Joseph Bolian* dans l’Armorial général de France de Charles-René d’Hozier, qui démontre sans l’ombre d’un doute les liens de parenté existants entre la branche des Bouillanne du Daphiné et la branche des Bolian de l’Isère. [7]

Quoi qu’il en soit, les Bolian, sans la particule, apparaîssent seulement, à Virieu d’abord, au XVIe siècle, où ils sont qualifiés de marchands et possèdent un domaine tout près, à Blandin ; à Paladru, ensuite, au commencement du XVIIe siècle, dans la personne de Guillaume et de Clément Bolian, deux frères. [8]

Guillaume Bolian :

Guillaume est châtelain du mandement de Virieu pour le compte du seigneur de l’endroit, Aldus Prunier de Saint-André. Le 30 septembre 1605, il présida, de concert avec noble Claude de Revol, châtelain de Paladru, à la « visitation et plantement de limites entre les mandements de Paladru et de Virieu, suivant l’ordonnance de nos seigneurs les Commisaires députés par Sa Majesté » (le roi Henri IV).

Clément Bolian :

La reconnaissance de 1606 a inscrit le nom de Clément Bolian comme mari de Méraude Guiboud, fille de Garpard Guiboud, décédé, l’une des principales propriétaires de Paladru, qu’il épousa par contrat de mariage du 13 juin 1606. Clément Bolian est qualifié de capitaine au régiment de Lestang. Sa femme lui apportait un beau domaine. L’inventaire en fut fait à la mort de son mari Clément Bolian, vers 1631.

André Lacroix - Bulletin de la société d’archéologie et de statistique de la Drôme, tome 12, 1878, p. 304.
André Lacroix : Bulletin de la société d’archéologie et de statistique de la Drôme, tome 12, 1878, p. 304.

Paladru : du Moyen Âge à nos jours

Paladru est une ancienne commune de l’Isère dont la réputation s’est essentiellement forgée sur son magnifique lac et ses abords d’une superficie de 390 ha, sites inscrits au patrimoine. La commune offre de belles vues sur le lac, le Vercors et la Chartreuse. Paladru est une commune d’une superficie totale de 1164 hectares, son altitude varie entre 488 et 711 mètres. Le lac de Paladru, aussi appelé le lac bleu, recèle un très important site du Néolithique avec les villages néolithiques immergés des Baigneurs à Charavines, fouillés à partir de 1972 jusqu’en 1986.

L’architecture, la vie quotidienne, les activités domestiques, l’artisanat, etc. ont été étudiés par plus de soixante spécialistes divers. L’habitat immergé de Colletières à Charavines est une très importante illustration du Moyen Âge européen. Une exposition permanente des deux sites est visible au musée archéologique de Charavines.

Le blason de Paladru: De gueules à l’omble chevalier d’or posé en bande.

En ce qui concerne le terme de Paladru qui constitue le nom principal de la commune, il existe deux théories : soit le mot palud (écrit parfois palue) signifie « marais » en ancien français. Le terme Paladru rattaché au village du même nom se rapproche donc ce terme. Un marais, celui de La Verronière (classé espace naturel sensible), est situé au nord du lac sur le territoire de l’ancienne commune de Paladru ; soit, selon l’historien dauphinois Nicolas Chorier, le terme Paladru pourrait se rapporter à la présence de chênes (« δρύς » drús en grec), sans qu’on sache sur quelle source, l’écrivain, décédé en 1692 à Grenoble, s’est réellement référé.

Au début de l’ère médiévale, l’ensemble du lac fait partie du comté carolingien de Sermorens créé tardivement au IXe siècle et qui est rattaché à la Francie médiane, puis au royaume de Provence. C’est au cours du XIe siècle qu’un essor démographique et économique entraîna une colonisation durable des rives du lac (site des chevaliers-paysans). Au Moyen Âge, un château de terre (Château-Vieux) se dressait sur la commune. Ce château transformé en château de pierre fut le chef-lieu du mandement de Paladru cité comme tel en 1107 dans le partage du comté de Sermorens. La chapelle de calvaire « les Trois-Croix » est l’ancienne chapelle castrale du château probablement érigée dans la basse-cour de ce dernier.

Au XIIe siècle, le lac de Paladru est dans la zone frontière des principautés de Savoie et du Dauphiné que ni l’une ni l’autre ne dominent complètement. Cette situation trouble favorise l’émergence de baronnies telle que la Maison des Clermont. En 1340, ces derniers prêteront hommage au Dauphin pour les châteaux de Virieu, Paladru, Montferrat, Saint-Geoire-en-Valdaine, tous à proximité du lac. Dès lors le site suivra le sort du Dauphiné et sera intégré au royaume de France.

La famille de Paladru ou Peladru était ancienne et noble dans le même endroit. Elle portait “de gueules au poisson d’argent mis en bande”. Depuis Guigues de Paladru, qui existait en l’an 1102, jusqu’à Marguerite de Paladru, dame de Monferrat, qui vivait l’an 1530, qui épousa Georges de Torchefelon, et qui a été la dernière de sa maison, il y a eu dix-huit degrés de génération. [9]

En 2016, le conseil municipal a voté la fusion avec la commune du Pin pour la commune nouvelle des Villages du Lac de Paladru. Le chemin de Compostelle partant de la ville de Genève en Suisse recueille les pèlerins suisses et allemands se rendant à la ville espagnole et aboutit à la via Podiensis tout en se confondant, dans son parcours français avec le chemin de grande randonnée GR65 passe au nord-ouest et à l’ouest de la commune. À la sortie du territoire de la commune de Valencogne, le sentier suit le chemin des crêtes des collines qui dominent le lac de Paladru, longe l’enceinte de l’ancienne chartreuse de la Sylve-Bénite puis se dirige vers Oyeu par le bois du Coquillard avant de rejoindre le territoire du Grand-Lemps.

Le château Bolian (dit d’Avignonet)

Le château Bolian (dit d’Avignonet) fut construit en 1614, par Clément Bolian, comme l’atteste l’inscription gravée sur une pierre intelligemment conservée par M. Antoine Ivrier, propriétaire actuel [en 1935] d’une partie du domaine Bolian, à Saint-Pierre. La propriété appartient ensuite à leur fils Claude Bollian, avocat au parlement du Dauphiné, puis à ses descendants. Une grange est construite en 1668. La toiture est alors faite de tuiles et non en chaume : c’est l’innovation de l’époque. [10]

Château assez modeste, sans grande architecture, couvert en tuiles, avec une seule tour carrée. Trois fours étaient construits derrière la tour. Les demoiselles Bolian, très charitables à en croire une tradition autorisée, y faisaient cuire pain et aliments pour les pauvres.

Une autre tradition autorisée comme la première, nous apprend qu’au cours de la Révolution, un prêtre allié de la famille, se tenait caché dans un réduit aménagé au sommet de la tour et séparé de l’appartement inférieur par un plancher dans lequel une trappe dissimulée donnait accès au réduit. La nuit, quand il avait dit la messe, il visitait les malades, s’il y avait lieu.

Par héritage, différents membres de la famille occupérent successivement le château. Marie-Suzanne-Gabrielle Bolian, héritière de la propriété, épousa le 15 janvier 1771, en la paroisse de Saint-Pierre-de-Paladru, Laurent Denantes, seigneur d’Avignonet, qui donna sans doute son nom au château. Ursule Denantes, leur fille, est la “demoiselle d’Avignonet” dont les parcelles figurent sur le cadastre de 1815. Les derniers membres de la famille, ruinés, démolirent le château et quittèrent le pays. L’immense domaine des Bolian s’est morcelé pendant et après la Révolution ; une partie des biens-fonds de Saint-Pierre a été acquis par M. Pierre Gallien et a passé à son gendre, M. Antoine Ivrier. Le château a été complètement démoli ; ce qu’il contenait encore de mobilier a été vendu à l’encan vers 1890. [11]

En 2014, du château Bolian. dit d’Avignonet, il reste un mur de clôture en gros galets au bord de la route et des bâtiments d’habitation et agricoles ; c’est l’ancienne ferme de M. Ivrier, située devant l’ancienne école de Saint-Pierre de Paladru, au carrefour de la route de Montferrat. Les pierres du château d’Avignonet ont servi à construire l’ancienne église Saint Pierre de la Bâtie-Divisin.

Ancienne possession de la famille Bolian (de Bouillane), le château d’Avignonet est situé dans la commune nouvelle des Villages du Lac de Paladru. Ce n’est donc pas un hasard si le Chemin de la Bouillane, à Virieu, se situe à 15 minutes en voiture du château Bolian, à Saint-Pierre-de-Paladru.

Le Chemin de la Bouillane, à Virieu, se situe 15 minutes en voiture du Château Bolian (dit d’Avignonet).

RÉFÉRENCES :
  1. Michel Feltin : Entrevue avec Jean-Louis Beaucarnot: «Jadis, il n’était pas rare que le nom change d’une génération à l’autre». L’Express, 29 novembre 2007.
  2. Nicolas Montard : L’histoire secrète de vos noms de famille. Ouest-France, 31 mars 2017.
  3. Guy Boulianne : Bouillargues: du prince Ursus, vicomte de Nîmes, aux seigneurs de Bollanicis. Publié le 15 octobre 2016.
  4. Frédéric Mistral : Lou Tresor dóu Felibrige ou Dictionnaire provençal-français embrassant les divers dialectes de la langue d’oc moderne. Tomes I et II. Remondet-Aubin, août 1886, page 319.
  5. Alexandre Teulet : Layettes du Trésor des Chartes, Volume 1. Henri Plon, Imprimeur-Éditeur, Paris 1863. Archives Nationales de France. Cotes : « J//314, 52, Toulouse, VII, n°1 », « J//335, 67, Nîmes, n°15 » et « J//329, Toulouse, XX, n°24 ».
  6. André Lacroix : Bulletin de la société d’archéologie et de statistique de la Drôme, tome 12, 1878, p. 304.
  7. Charles-René d’Hozier : « Armorial général de France », dressé, en vertu de l’édit de 1696. Manuscrit 1701-1800, page 98.
  8. Bulletin paroissial de l’Abbé Millon : Les Bolian. Tome 2. Distribué entre 1932 et 1935, p. 11.
  9. Guy Allard : Dictionnaire historique, chronologique, géographique, généalogique, héraldique, juridique, politique et botanographique du Dauphiné. Publié pour la première fois et d’après le manuscrit original par H. Gariel. Tome deuxième L–Z. Grenoble, Imprimerie Edouard Allier, 1864, in-8°, pp. 276-277.
  10. Ouvrage collectif : « Paladru, un village au fil du temps ». Association de Paladru de Promotion du Patrimoine. Villages du lac de Paladru, 18 Novembre 2018, p. 27.
  11. Abbé E. Millon : « Quelques chapitres de l’histoire de Paladru-Montferra ». Chapitre XI, pages 11, 54 et 55.
SOURCES :
NOTE : Le 15 mai 2018, la Maison de Ventes de Baecque, à Lyon, a mis en vente le Lot n° 13 concernant 3 volumes manuscrits in-folio, du XVIIIe, formant 372, 348 et 338 pp. (reliures en mauvais état avec des restes de vélin sur les plats; la fin du second volume est très abîmé avec perte de texte sur les derniers feuillets). Le lot comprenait la copie intégrale des actes et titres de la famille Bolian, originaire du Dauphiné, qui donnât plusieurs magistrats au Parlement de Grenoble aux XVIIe et XVIIIe siècles, dont plusieurs portent le nom de Claude Bolian. Il s’agit d’une copie, sur plus de 1000 pages, réalisée à la fin du XVIIIe siècle, de tous les papiers de cette famille, du XVIe au XVIIIe siècle. Était joint un livre de comptes (in-4, débuté en 1731) et un acte de partage (1853). [La Gazette Drouot]. Voir les résultats de la vente en cliquant ici.

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Evelyne O'Mara
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