Ossétie du Sud-Alanie — Lorsque les traités internationaux ne sont pas respectés

Tout comme les Canadiens-français en Amérique, les Ossètes forment un peuple distinct dans le Nord-Caucase, ayant sa propre histoire, sa propre culture et ses propres légendes. l’Ossétie du Sud a proclamé son indépendance et fait sécession de la Géorgie sur la base de deux référendums. Bien que le oui fut largement majoritaire avec 99 % des votants lors du deuxième référendum, la Géorgie et la grande majorité des pays de l’ONU ne reconnaissent pas cette indépendance et considèrent l’Ossétie du Sud-Alanie comme une région autonome de la province géorgienne de Kartlie intérieure.

Alors, comment pourrions-nous faire confiance à la démocratie lorsque celle-ci est bafouée par la plupart des pays signataires de la Charte des Nations Unies de 1945 ?

Le 2 juin 2018, le Canada s’est dit préoccupé par la reconnaissance par la Syrie des régions séparatistes géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud : « Le Canada condamne fermement la reconnaissance par le régime syrien des régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud occupées par la Russie en Géorgie. L’occupation de ces régions par la Russie est une violation flagrante du droit international qui porte atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie. Les actions de la Syrie défient l’ordre international fondé sur des règles et compromettent les chances de parvenir à un règlement pacifique de ce conflit. Le Canada soutient sans réserve la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Géorgie à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues » (Affaires mondiales Canada). Il est pourtant admis aujourd’hui que c’est la Géorgie qui a débuté les bombardements et les tirs d’artillerie, et non pas l’Ossétie du Sud-Alanie. Le Canada préfère donc appuyer un pays belligérant et belliqueux, ayant commis des crimes génocidaires, plutôt qu’un peuple ayant voulu obtenir son autonomie par l’intermédiaire de deux référendums démocratiques en 1992 et 2006.

Lors d’une entrevue récente, le Président du gouvernement russe, Dmitri Medvedev, explique : « Cette guerre n’aurait pas eu lieu sans le comportement irresponsable, amoral et criminel de Saakachvili et de ses acolytes. En 2008, le gouvernement géorgien, président en tête, a donné le feu vert à l’agression. Et il s’est produit ce qui s’est produit. Ce n’était pas inévitable. C’était indéniablement le choix subjectif de Saakachvili et de son entourage ». Il poursuit : « Et étant donné qu’à cette période la Géorgie était dirigée par une personne aussi psychiquement instable que Mikhaïl Saakachvili ¹, il n’y avait pas d’autres options (de reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud). Peut-être que s’il s’était agi d’un autre gouvernement, il aurait été possible de discuter. Mais je suis certain qu’un autre gouvernement n’aurait pas pris l’odieuse décision d’attaquer des personnes âgées et des enfants, d’attaquer des casques bleus russes et, au fond, de déclarer la guerre à la Fédération de Russie ».

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ou droit à l’autodétermination, est le principe issu du droit international selon lequel chaque peuple dispose d’un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère.² C’est justement ce que stipule la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec : « Le peuple québécois peut, en fait et en droit, disposer de lui-même. Il est titulaire des droits universellement reconnus en vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ». La loi précise à l’article 1.2 : « Le peuple québécois a le droit inaliénable de choisir librement le régime politique et le statut juridique du Québec » (E-20.2, Chap. 1.1 et 1.2).

Nous vous rappelons que la validité constitutionnelle de cette loi a été confirmée le 19 avril 2018 par l’honorable juge Claude Dallaire. Qu’adviendrait-il si le Québec déclarait son indépendance et son autonomie suite à un référendum majoritaire ? Est-ce que le Canada agirait de la même manière que la Géorgie en envoyant ses chars d’assaut sur la nation québécoise ? Le Québec serait-il reconnu comme une nation souveraine par les pays membres des Nations Unies ? Nous sommes en droit de nous poser ces questions…

Qui sont les Ossètes ?

Jeune-femme ossète dans un costume traditionnel (1883).

Les Ossètes, ou Osses (en ossète : ирæттæ), forment un peuple vivant dans le Caucase, en Russie et en Géorgie. Descendant des Alains (peuple lui-même descendant des Scythes), ils en seraient les derniers représentants. Chassés par les invasions mongoles, ils s’installent dans le Caucase au VIIe siècle. Les Ossètes deviennent chrétiens au Moyen Âge sous l’influence des Géorgiens. Ils forment trois entités territoriales : Digor à l’ouest, Iron au nord, et Tualläg qui devient l’Ossétie du Sud.

Leur langue, l’ossète, appartient au groupe iranien de la famille des langues indo-européennes, qui a été étudiée par le linguiste russe Vsevolod Miller puis par Georges Dumézil, à travers leurs légendes (notamment celle des Nartes). La population ossète est en majorité chrétienne orthodoxe.

Les Ossètes se réfèrent à leur nation comme irættæ (pl.) ou Iron (au singulier ; ces deux termes liés au nom de l’Iran proviennent de la racine indo-européenne آریا Ârya « noble »).

Au VIIe siècle les Alains sont dispersés par les Khazars turcophones. Une partie des Alains, mentionnés comme Asses ou Osses, se réfugient autour du principal passage dans le Nord-Caucase, dès lors nommé Dar-i-Alan (« Porte des Alains »), aujourd’hui la passe de Darial, qu’ils contrôlent depuis et qui fut longtemps une source de revenus, à côté du pastoralisme. La partie nord de l’Ossétie est en Russie depuis 1714.

En 1922, les Soviétiques les organisent en deux entités politiques : la « République socialiste soviétique autonome d’Ossétie-du-Nord », dépendant de la République socialiste fédérative soviétique de Russie au nord de la passe de Darial (qui, jusqu’en 1936, inclut aussi les Ingouches), et l’« Oblast autonome d’Ossétie du Sud » dépendant de la République socialiste soviétique de Géorgie. La déportation des Ingouches en 1944 et leur retour en 1957 déclenche un conflit avec ce peuple, l’Ossétie du Nord refusant de leur restituer le district de Prigorodny, partie de l’Ingouchie rattachée en 1945 à l’Ossétie. En 1991 les Ossètes proclament d’abord leur indépendance et la réunification des deux Osséties, mais leurs représentants sont très rapidement « persuadés » de rester au sein de la Russie, officiellement (de jure) pour l’Ossétie du Nord, et officieusement (de facto) pour l’Ossétie du Sud (qui de jure est géorgienne). Après la guerre russo-géorgienne de 2008, la Russie a reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud, mais le pays reste divisé et ces changements imposés par la force armée ne sont pas reconnus par la communauté internationale.

L’Ossétie du Sud-Alanie (en ossète : Хуссар Ирыстон) est un territoire très montagneux (80 % de sa superficie est située à plus de 500 mètres d’altitude) et très faiblement peuplé (50 000 habitants pour 3 900 km²). Sa capitale est Tskhinvali. Les autres villes principales sont Akhalgori, Kvaisi et Kurta. Le pays s’appelait Ossétie du Sud depuis la proclamation de son indépendance en 1992. Depuis le référendum sud-ossète de 2017, son nom a été changé en Ossétie du Sud-Alanie. Son président est Anatoli Bibilov depuis le 21 avril 2017.

Carte des opérations militaires de la guerre dans l’interprétation des médias géorgiens

L’origine du conflit

L’oblast autonome d’Ossétie du Sud est créé en 1922 au sein de la république socialiste soviétique de Géorgie, qui fait partie de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). La république de Géorgie devient indépendante le 9 avril 1991 et révoque l’autonomie de l’Ossétie du Sud. Les tensions nationalistes entre Ossètes et Géorgiens s’accroissent, et un conflit armé a lieu entre janvier 1991 et juin 1992. Il oppose des milices ossètes qui réclament l’unification de l’Ossétie du Sud avec l’Ossétie du Nord qui fait partie de la Russie, et l’armée géorgienne qui veut garder le contrôle de la région.

Un traité de paix est signé entre la Russie et la Géorgie le 26 juin 1992. Des forces de maintien de la paix composées de troupes russes, ossètes et géorgiennes sont introduites en Ossétie du Sud et une commission trilatérale est créée pour décider du statut de cette région.

Décret présidentiel russe n ° 1261 reconnaissant l’indépendance de l’Ossétie du Sud.

En 1992, l’Ossétie du Sud proclame son indépendance et fait sécession de la Géorgie sur la base d’un référendum qui n’est pas reconnu par la communauté internationale. Un deuxième référendum sur l’indépendance est organisé par les autorités sud-ossètes qui contrôlent la région en novembre 2006, où le oui est largement majoritaire avec 99 % des votants. Il est reconnu seulement par la Russie, qui ne reconnaît cependant pas l’indépendance de l’Ossétie du Sud.

En août 2008, la Géorgie déclenche une offensive armée pour reprendre le contrôle de l’Ossétie du Sud. Les forces armées de la fédération de Russie, intervenues pour soutenir l’Ossétie du Sud, contre-attaquent avec succès, repoussant l’armée géorgienne hors de l’Ossétie du Sud et occupant même une partie du territoire géorgien. La Russie reconnaît l’indépendance de l’Ossétie du Sud. Elle est suivie par le Nicaragua, le Venezuela, l’Abkhazie, la Transnistrie, la Syrie, et par les îles Nauru, Vanuatu et Tuvalu.

Cependant, après une période de déclarations contradictoires, le Vanuatu a officiellement rétracté cette reconnaissance en juillet 2013, lorsqu’il a établi des relations diplomatiques avec la Géorgie et signé avec elle un protocole reconnaissant son intégrité territoriale. Les Tuvalu ont fait de même en mars 2014, également à l’occasion de l’établissement de relations diplomatiques avec la Géorgie.


Reconnaissance de l’indépendance

En 2008, la Biélorussie a annoncé qu’elle allait reconnaître prochainement l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, ce qu’elle n’a toujours pas fait au 4 janvier 2019. L’OTSC, l’OCS et l’ALBA ont annoncé leur soutien à la décision de la Russie sans pour autant lui emboîter le pas. Pour la Serbie, qui observe la même attitude, les indépendances de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie sont comparables à celle du Kosovo. Les puissances occidentales ont immédiatement réagi en annonçant qu’elles ne reconnaissaient pas l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. La Géorgie a dénoncé « une annexion » par la Russie.

L’indépendance de l’Ossétie du Sud est reconnue par Nauru, qui reçoit en échange 10 millions d’euros de la Russie. Cette dernière tente de convaincre également les îles Fidji. Elle est en compétition avec la Géorgie, qui leur offre une aide au développement en échange de la non-reconnaissance de l’Ossétie du Sud.

Le 25 août 2008, le Parlement de la fédération de Russie vote une motion invitant Moscou à reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Le lendemain, le président Medvedev signe les décrets reconnaissant l’indépendance de ces deux régions.

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NOTES :

[1] Mikheil Saakachvili, né le 21 décembre 1967 à Tbilissi, est un homme d’État géorgien et homme politique ukrainien. En 2004, après avoir participé à la révolution des Roses, qui contraint le président géorgien Edouard Chevardnadze à la démission, il accède à la présidence de la Géorgie. Il démissionne de son mandat en 2007, lors d’une crise politique, provoquant ainsi une élection anticipée, à l’issue de laquelle il est réélu dès le premier tour. Il quitte la présidence du pays en 2013, après être resté près de dix ans à la tête du pays. Il obtient la nationalité ukrainienne en 2015, ce qui lui fait perdre la géorgienne, et devient gouverneur de l’oblast d’Odessa. L’année suivante, bénéficiant d’une certaine popularité en Ukraine, il démissionne de son poste de gouverneur, fonde un parti politique, puis se voit déchu de sa nationalité ukrainienne par le président Petro Porochenko, qui le rend ainsi apatride.
[2] L’exercice de ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est en général lié à l’existence d’un État spécifique au peuple en question, État dont la pleine souveraineté est souvent envisagée comme la manifestation de la plénitude de ce droit. Il s’agit d’un droit collectif qui ne peut être mis en œuvre qu’au niveau d’un peuple. Mais ce principe ne fut pas appliqué par l’Organisation des Nations unies car les accords entre Alliés étaient prioritaires. Ils ne mentionnaient pas les peuples colonisés et stipulaient toute une série de mesures qui ne tenaient nul compte des éventuelles préférences des populations. Il en va de même aujourd’hui et la mise en œuvre de ce principe ne va pas sans difficultés, aucun texte ne définissant clairement la notion de « peuple », de sorte que tant les États existants que les partisans des autodéterminations locales peuvent s’opposer des arguments valables.

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Annoula Watsu
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