Une étude de Alexandre Debelle pour son tableau représentant l’Assemblée de Vizille

Alexandre Debelle - Etudes pour le tableau représentant l’assemblée de Vizille de 1788
Le Chevalier de Murinais tient l’épaule du Fils de l’Ours.

Le hasard m’a permis de trouver trois croquis au crayon et fusain sur papier gris dessinés, par Alexandre Debelle, en vue d’une étude pour son tableau représentant l’Assemblée de Vizille de 1788. Ces croquis appartenaient au militaire, ingénieur et homme politique français, Camille Eugène Chaper. Ils ont été remis en donation à la Bibliothèque municipale de Grenoble où ils se trouvent actuellement.

Nous aperçevons dans le croquis ci-contre le Chevalier de Murinais qui tient par l’épaule le Fils de l’Ours (les de Richaud et de Bouillanne sont liés par le sang et par les armes). Nous remarquons aussi que notre ancêtre porte l’épée dans son fourreau en bandoulière. Or, le port de l’épée était, à quelques exceptions près, réservé à la noblesse.

Ellery Schalk écrit : « Le droit d’être armé, et plus précisément le droit de porter l’épée, était sans doute la marque de noblesse la moins contestée, celle sur laquelle nous sommes le mieux informés. Au XVIe siècle, l’expression “homme d’épée” était synonyme de gentilhomme. Le port de l’épée par les nobles était une habitude si profondément enracinée, qu’un gentilhomme sans épée semblait presque dévêtu. » — (“L’épée et le sang: Une histoire du concept de noblesse” [vers 1500-vers 1650]. Editions Champ Vallon, 2017).

La Réunion des états généraux du Dauphiné, également appelée Assemblée de Vizille, s’est déroulée le 21 juillet 1788 dans la salle du jeu de paume du Château de Vizille sur l’invitation de son propriétaire, l’industriel Claude Perier. Cette assemblée réunie six mois avant la convocation des États généraux de 1789 est le prélude à la Révolution française. On dénombre 491 représentants des Trois Ordres du Dauphiné qui se sont réunis au Château de Vizille. Cette assemblée lance un appel à la nation toute entière pour définir un nouvel ordre politique.

En 1853, suite à ses études au crayon et au  fusain, le peintre Alexandre Debelle, alors qu’il devient conservateur du musée de Grenoble, a peint L’Assemblée de Vizille représentant les Trois Ordres du Dauphiné se réunissant dans la salle du Jeu de Paume. Cette œuvre se trouve actuellement exposée au musée de la Révolution française de Vizille.

Alexandre Debelle (1805-1897), Assemblée des trois ordres du Dauphiné reçus au château de Vizille par Claude Perier, le 21 juillet 1788, 1862. Huile sur toile. Acquis en 1983. INV. MRF 1983-7.

Outre les personnes de Montélimar qui se trouvaient à Vizille, il y avait encore à Romans le marquis de St-Ferréol et un certain nombre de Richaud et de Bouillane, habitant le ressort de l’élection et professant en général la religion protestante. La liste imprimée mentionne 15 Bouillane et 29 Richaud : la plupart d’entre eux étaient verriers ou travaillaient leurs terres, ce qui ne les faisaient pas déroger. Ces deux familles étaient très anciennement établies dans la vallée de Quint. Le Cartulaire de Léoncel, p. 141, mentionne Humbert de Bouillane à la date de 1245, et le Recueil d’hommages relatif au Valentinois qualifie de nobles plusieurs membres de cette famille dans des actes de 1394 et de 1431, et de la famille Richaud en 1325, 1345 et 1349, ce qui semble établir que le prétendu anoblissement qu’aurait fait Louis XI n’est qu’une légende (“Histoire de Montélimar et des principales familles qui ont habité cette ville”, Vol. 4, 1886).

Dans le tableau peint par Alexandre Debelle, on peut voir le Fils de l’Ours vivement acclamé par les représentants des Trois Ordres (noblesse, clergé et Tiers Etat) de Grenoble et du Dauphiné se réunissent au Château de Vizille dans la salle du Jeu de Paume. Ce personnage symbolise à lui seul les 15 Bouillane et les 29 Richaud présents. Bien qu’habillés en paysans, les cheveux non poudrés, ils furent reconnus par l’assemblée comme appartenant à la plus ancienne noblesse du Dauphiné, et furent reçus avec tous les honneurs de leur rang.

D’après la tradition, ils furent placés à la droite du président, « comme étant les plus anciens nobles de la province », et opinèrent toujours comme lui (“Bulletin de la Société départementale d’archéologie et statistiques de la Drôme”, Tome XII, page 288, 1878).

À propos de Camille Eugène Chaper

Camille Eugène ChaperCamille Eugène Chaper est un militaire, ingénieur et homme politique français né à Grenoble le 17 janvier 1827 et mort dans la même ville le 23 décembre 1890. Il est le fils d’Achille Chaper (1795-1874), ingénieur, haut fonctionnaire et député et d’Henriette Teisseire (1802-1881).

Après avoir intégré l’École polytechnique à l’âge de dix-huit ans, puis l’École d’application de Metz, il effectue des études de Droit, avec pour projet de devenir auditeur au Conseil d’État. Mais la fin de la Monarchie de Juillet, régime auquel fut attachée la carrière de fonctionnaire de son père, demeuré fidèle aux Orléans, met un terme à ce projet.

Il réintègre donc l’Armée en tant qu’officier du Génie et participe à l’agrandissement de la rade de Toulon. Durant la guerre de Crimée, il s’illustre à la bataille d’Inkerman et au siège de Sébastopol, obtenant la Légion d’honneur en 1854. Il s’occupe par ailleurs de l’approvisionnement de l’Armée d’Orient à Constantinople tout en remettant à neuf l’ambassade russe, le Drogmanat et la légation russe de cette même ville. Ses services sont récompensés en 1857 par l’Ordre du Medjidié de Turquie et l’Ordre de Saint-Stanislas de Russie.

Après son mariage avec Valentine Giroud, fille du président des mines de La Mure, il entame une carrière d’ingénieur et administrateur de cette exploitation, qu’il dirigera à la suite de son beau-père. Membre du Conseil municipal de Grenoble durant de Second Empire, il demeure néanmoins le chef du parti orléaniste en Dauphiné et un opposant déclaré à Napoléon III.

Pendant la guerre de 1870, il est officier d’ordonnance du général Chabaud-Latour, son oncle par alliance. Peu après le siège de Paris, il est élu député de l’Isère lors des élections législatives de 1871 sans avoir présenté sa candidature, par 52,068 voix sur 92,816 votants, mais il accepte son élection et siège au centre-droit avec les Orléanistes.

Il parla dans la discussion sur la loi militaire, et vota pour la paix, pour les prières publiques, pour l’abrogation des lois d’exil, pour le pouvoir constituant, pour la démission de Thiers, contre le retour du Parlement à Paris, contre la dissolution, pour le septennat, pour l’état de siège, pour le ministère de Broglie, contre les amendements Wallon et Pascal Duprat. Il se rallia au vote des lois constitutionnelles, le 25 février 1875.

Il ne demanda pas le renouvellement de son mandat aux élections de 1876, et devint président du Comité conservateur de l’Isère. Il entretient, tout comme son père une correspondance fournie et cordiale avec Philippe d’Orléans, prétendant orléaniste au Trône. Il est admis en 1862 à l’Académie Delphinale dont il sera élu président à partir de 1879. C’est sous le pseudonyme d’un vieux bibliophile dauphinois qu’il fait éditer ses propres œuvres ou celles d’historiens ou bibliographes du Dauphiné.

Dans son château d’Eybens, il possédait la plus importante bibliothèque d’ouvrages relatifs au Dauphiné, avec d’autres ouvrages de prix, tel l’exemplaire Chaper de La Chartreuse de Parme, et nombre d’autographes. Il légua la plus grande partie de sa collection à la bibliothèque municipale de Grenoble et au muséum d’histoire naturelle de la ville. Il était le frère du zoologue et paléontologue Maurice Chaper, et cousin du Président de la République Jean Casimir-Périer. Il est inhumé au Cimetière Saint-Roch à Grenoble.

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D. Randria
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