Un article paru dans le magazine populaire “Le Lundi” en 1985 — « Guy Boulianne, 20 ans : Les terribles angoisses d’un jeune poète »

Comment devient-on poète ? Peut-on être poète à 20 ans et exprimer toute l’angoisse de l’être humain à travers les rimes et les proses qu’exige ce troublant métier ?

Les poètes sont des êtres à part. Des êtres qu’on comprend difficilement et leur grande sensibilité les force bien souvent à se replier sous une épaisse carapace.

Guy Boulianne, ce jeune poète qui vit dans le rêve et l’imagination, en est la réponse vivante. Oui, à 20 ans, on peut être poète. A l’image de Rimbaud, de Nelligan, de Baudelaire, la muse ne choisit pas l’âge de ses amants pour se manifester …

UNE VIE DE PEURS ET D’ANGOISSE

Entrevue par YVES MALETTE : L’univers d’un poète est noir, peuplé de peurs profondes qui marquent son existence. Un poète est un être fragile, vulnérable, rapidement brisé par une parole ou un regard …

Guy, êtes-vous vraiment un poète ?

Oui, je le suis. J’ai la poésie en moi, profondément enfouie au plus profond de mon âme et de mon esprit.

D’où vous vient votre inspiration ?

Elle me vient de mes angoisses et des peurs de ma vie quotidienne. Je m’inspire des événements qui ont marqué ma vie au cours des dernières années et qui m’ont plongé dans un abîme de désespoir et de folie.

Quels sont ces événements ?

A peine âgé de 18 ans j’ai quitté mes parents pour partir faire ma vie. J’ai alors connu la crise de l’emploi, la débauche, l’alcool. J’ai vécu parmi les gens perdus, minés par le mal et la drogue. J’ai connu les nuits blanches, la faim qui vous tenaille, la peur de mourir, et surtout la terrible solitude.

Que faisiez-vous pour échapper à cette solitude ?

Je me ramassais avec des amis et je m’évadais dans l’alcool.

Avez-vous pris de la drogue ?

Non, j’en ai pris un peu simplement pour essayer ça mais j’ai préféré les griseries de la boisson.

LA FEMME LUI EST NÉCESSAIRE

Ces événements que vous avez vécus et sur lesquels vous exprimez vos angoisses, vous placent-ils au rang des poètes maudits ?

Oui, je le crois. J’aime écrire des poèmes noirs, tristes, parfois terrifiants ou choquants. Ils correspondent à ce que je ressens et ce que je veux exprimer. J’ai beaucoup de difficulté à m’exprimer par la parole, alors j’écris. Et mes textes parfois font peur …

La femme est-elle présente dans vos textes et … dans votre vie ?

Toujours. J’ai besoin de la présence de la femme, la femme m’est indispensable sexuellement et émotivement.

Pourquoi ?

La femme comprend mes émotions, mes peurs, mes angoisses et ma grande sensibilité. J’ai eu une amie durant six mois, j’ai dû m’en séparer car il y avait trop de divergences de pensées entre nous.

Est-ce difficile de vivre avec un poète ?

Je crois que c’est très difficile en effet. Un poète c’est renfermé, soucieux. Ça pense tout le temps. J’aime bien me replier dans mes pensées intimes, m’installer à ma table de travail et pondre … sans relâche …

Pour écrire, attendez-vous que l’inspiration vienne à vous ou si vous la provoquez ?

J’attends qu’elle vienne à moi. Cela peut se produire n’importe où, n’importe quand. A ce moment là, je dois écrire. Absolument. C’est un besoin impérieux.

Qu’arrive-t-il si vous ne pouvez pas écrire ?

(…) Je peux perdre les pédales, comme un drogué qui a besoin de sa dose. Je peux avoir des visions, il faut que j’écrive, que je jette sur papier ces pensées qui m’assaillent.

UN ÊTRE SOLITAIRE MAIS ACTIF

On s’imagine les poètes comme des gens inactifs, oisifs, qui traînent les rues, attendant la muse, vêtus de guenilles, ne mangeant presque pas et buvant beaucoup.

Est-ce là votre vie ?

Ce fut ainsi oui, durant les deux dernières années. J’étais un vagabond, parasite et inutile. Mais c’était la rançon de la poésie. Ce fut ainsi que j’ai acquis toutes les richesses de l’esprit, tout ces bagages de mots et de proses qui m’inondent actuellement.

Et aujourd’hui, quelle est votre vie ?

Aujourd’hui, je suis très actif. Je veux être le premier poète populaire. Je veux rendre la poésie accessible à tous.

Que faites-vous pour réaliser cet objectif ?

Je me suis joint à un organisme qui regroupe des poètes et des romanciers : le Regroupement des auteurs-éditeurs autonomes. J’ai édité moi-même un premier recueil de poèmes qui s’intitule : « Avant-propos d’un prince fou ». Mais la pièce maîtresse de mes activités c’est le récital que je donne.

Vous donnez des récitals ?

Oui, il faut avoir du front pour se produire ainsi dans diverses salles. Je récite mes poèmes dans des galeries de peinture, des bars, des cabarets ou des cafés.

Comment sont les réactions des gens ?

Durant trois mois, j’ai récité mes poèmes devant un public composé de … trois personnes ! Mais je ne me suis pas découragé ! J’ai persévéré. Et, récompense de mes efforts, la fin de semaine dernière, il y avait cinquante personnes pour m’entendre réciter mes poèmes !

Quels sont vos projets ?

Je suis en train de discuter d’une émission de poésie à Radio-Québec ! Ce sera la première expérience du genre. Ainsi, je pourrai faire des entrevues avec des poètes québécois, et faire connaître la poésie d’ici. Mon but sera atteint !

Sorti tout droit d’une jeunesse infernale, Guy Boulianne a su en profiter pour s’inspirer de ses déboires et de ses malheurs. Aujourd’hui, il se fait le précurseur de la poésie québécoise accessible à tous. Bonne chance, poète !

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Patrice Bouriche
5

« Votre force Guy, c’est votre indépendance rendant authentique votre travail de journaliste qui ne subit de facto aucune pression « supérieure ». Continuez à informer comme vous le faîtes ! Les chercheurs de vérité en ont plus que besoin ! Résistance !!! »

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